Le Directeur de l’INPI a rendu sa première décision statuant sur une demande fondée sur un motif relatif de nullité portant sur l’atteinte à la renommée d’une marque antérieure, le 22 décembre 2020.
Il s’agit d’un contentieux entre deux marques enregistrées qui se déroule devant l’INPI, en dehors de toute procédure d’enregistrement.
Il s’agit d’une nouveauté introduite par l’Ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 transposant la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015, entrée en vigueur le 1er avril 2020.
Les faits
La société demanderesse est titulaire de deux marques internationales désignant l’Union Européenne « RICHARD MILLE ». Les marques datent de 2014 et de 2016 et sont enregistrées dans les classes 9 et 14.
En 2019, un particulier dépose la même marque « RICHARD MILLE » en classes 7, 12 38 et 42.
La société demanderesse forme une demande en nullité, auprès de l’INPI, contre la marque de 2019 le 21 avril 2020.
La société demanderesse fait notamment valoir que :
- L’usage, sans justes motifs, de la marque contestée « RICHARD MILLE » porte atteinte à la renommée de la marque internationale antérieure « RICHARD MILLE » pour « les montres de haute horlogerie » en France et en Union Européenne ;
- Les signes sont identiques ;
- Il existe un lien entre ces signes et un risque de préjudice porté à la renommée de la marque antérieure ;
- Il existe également un risque de confusion entre les deux marques dû au fait de la similitude entre les produits et services en présence, de l’identité des signes et de la grande renommée de la marque antérieure.
La procédure de nullité est organisée en deux phases : une phase d’instruction, pendant laquelle les parties ont la possibilité de faire valoir leurs arguments, et une seconde phase à l’issue de laquelle l’INPI devra rendre sa décision.
En l’espèce, l’INPI, considérant l’action comme recevable, a informé le titulaire de la marque contestée de l’action en nullité. Le titulaire de la marque contestée n’a pas présenté d’observations dans le délai qui lui était imparti.
L’INPI a donc informé les parties de la fin de la phase d’instruction.
L’enjeu est le maintien ou l’annulation d’une marque qui est exploitée depuis 6 mois.
La décision
L’INPI a jugé que la marque contestée « RICHARD MILLE » porte atteinte aux droits antérieures sur la marque internationale « RICHARD MILLE ».
Cette dernière jouit d’une renommée sur l’ensemble du territoire de l’Union Européenne, et notamment en France, pour une partie des produits invoqués, à savoir les produits d’« horlogerie et instruments chronométriques ».
Afin de démontrer la renommée de sa marque antérieure, le demandeur a fourni des preuves solides dans un document de 541 pages. Des articles de presse témoignant du succès indéniable de la marque pour des montres de haute horlogerie sont présentés. Le degré de connaissance est élevé sur le marché pertinent du fait des nombreux investissements promotionnels réalisés dans le milieu sportif, automobile et auprès de célébrités mondialement connues.
L’INPI a jugé que les consommateurs seront vraisemblablement incités à établir un lien entre les signes du fait de la reprise à l’identique de la marque antérieure en relation avec certains produits et services visés par la marque contestée.
C’est ainsi pour certains produits de la classe 12 « véhicules, appareils de locomotion aériens ou maritimes, cycles… », le demandeur démontre investir promotionnellement autour du secteur automobile, cycliste, aéronautique et nautique et développe des montres en lien avec le milieu automobile ou destinées à la navigation aérienne.
Le demandeur argumente que même si ces produits sont différents, tous les véhicules et leurs parties constitutives sont, comme les produits et instruments chronométriques, des produits de mécanique complexe et de précision, mis au point aux termes de recherches fines et longues, dans lesquels les propriétés des matériaux ou leurs poids ont autant d’importance que l’esthétique.
Il en est de même pour les services de la classe 42 « évaluations techniques concernant la conception (travaux d’ingénieurs), recherches scientifiques et techniques, conception d’art graphique, stylisme (esthétique industrielle) … », le demandeur démontre que le secteur des montres a un degré élevé d’inventivité et de technicité et qui est également fortement relié au secteur de la mode et du design. Il argumente sur le fait que l’aspect esthétique et la beauté des montres compte autant que leur caractère technique.
Les produits de la classe 7 « outils et appareillages » sont également susceptibles d’être utilisés dans le domaine de l’horlogerie.
En revanche, d’autres produits et services visés par la marque contestée tels que « des machines agricoles, couteaux électriques, services de télécommunication, conception de logiciels… » n’ont aucun rapport ou ont un lien extrêmement général et abstrait avec les produits pour lesquels la marque antérieure est renommée.
L’INPI retient que le demandeur a démontré effectuer de nombreux et importants investissements promotionnels pour créer une image de marque d’excellence, d’innovation et de grande technicité.
L’INPI a également jugé que la marque contestée est susceptible de tirer indument profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.
Par ailleurs, L’INPI a jugé que le titulaire de la marque contestée semble s’être placé délibérément dans le sillage du pouvoir d’attraction de la marque antérieure.
La marque contestée est donc partiellement annulée.
- Apport de la décision : la nouveauté de la procédure, si le défendeur avait présenté des arguments, il aurait pu certainement faire infléchir la décision.
- Apport de la décision : Les preuves d’usage en termes de renommée. La société demanderesse a déposé un dossier de preuves d’usage très étoffé. Cela montre l’importance de récolter et de conserver, pendant toute la vie de la marque, des preuves d’usage des marques détenues.
Pour obtenir plus d’informations concernant ce type de procédure, n’hésitez pas à contacter le Cabinet.